S’aimer tatouée – Nathalie Kaïd

Le tatouage, parole de l’âme via la peau

J’adore le tatouage. Mais en ce moment c’est une overdose de mochetés. Les gens sont cinglés ! Ils pervertissent ce grand art sacré. Ils étalent sur leurs bras, leurs jambes et leur poitrine des dessins sans aucun sens et aussi laids les uns que les autres. Pitié ! et merci à Nathalie Kaïd d’avoir écrit et publié ce livre : S’aimer tatouée, qui au-delà de présenter de magnifiques femmes tatouées, offre le témoignage de chacune d’entre elles qui expriment avec leurs mots, crus, directs, sensibles ou poétiques leur lien avec ces dessins indélébiles. Merci et bravo ! 

Ne vous méprenez pas. J’aime le tatouage. Au-delà d’être un décor parfois très artistique, n’oublions pas que le tatouage existe depuis presque l’origine de l’humanité puisqu’en retrouve des traces sur des momies. Plus proche de nous, il y a seulement deux ou trois mille ans le tatouage s’est imposé comme marque tribale ou positionnement social. Dans toutes les grandes cultures, il a existé. Nous en trouvons les plus beaux fleurons en Polynésie, en Australie, en Amérique Latine, au Japon. Très souvent il était relié à des rites de passage initiatique. Il était très répandu également en Egypte ancienne, en Asie, dans les pays celtes et même au Moyen Orient. Par contre, il a également été considéré comme signe d’un opprobre, d’une faute pour désigner un voleur, une prostituée, un condamné. Très récemment il s’est diffusé dans le grand public occidental comme affirmation d’une identité ou simplement décor de peau, parfois associé au piercing. 

Puisque ce livre est fondé sur des témoignages authentiques et touchant de femmes tatouées, je livrerais une partie de ma propre expérience puisque j’ai également quelques tatouages que je chéris comme des jalons de ma vie et d’instants précieux. Mes tatouages relèvent du secret et d’une intimité qui ne se dévoile qu’à mes intimes. C’est mon choix même si je trouve les femmes photographiées par Nathalie Kaïd, somptueuses. 

La préface de ce livre est écrite par Philippe Liotard, sociologue et épistémologue. Ses mots sont justes et touchants. Il livre son avis au sujet du tatouage mais surtout de la démarche de l’auteure Nathalie Kaïd. Il raconte, analyse, ressent et surtout pose sa vision sur cette œuvre et le tatouage en général. Il parle du désir, de l’envie. Il évoque le levier de construction de soi qu’il a observé chez ces femmes qui témoignent. Il parle de l’amour de soi et de la force. Il parle de la maladie. Eh oui… n’oublions pas les tatouages post cancer ! Les tatouages racontent une histoire, c’est sûr. Et qu’elles histoires individuelles il nous offre ! Philippe Liotard souligne à quel point le tatouage se déclenche à des moments forts pour ancrer en soi par l’encre, le bouleversement qui est à l’origine de la décision. Oui le tatouage est une symbolique de soi, une manière de s’affirmer. J’ai rarement eu autant d’intérêt et de plaisir à lire une préface ! 

Vous verrez, vous aussi cette lecture vous passionnera

Des témoignages à fleur de peau

Ce livre, vous l’avez compris, est une démarche de l’auteure Nathalie Kaïd, photographe. Ce n’est pas un livre comme les autres car elle livre sa propre démarche pour se faire elle-même tatouer, puis sa quête de femmes en femmes qui elles aussi ont abordé le tatouage avec sens, authenticité et émotion. Elles écrivent, se racontent, se livrent. Les textes sont touchants, parfois bouleversants mais toujours à fleur de peau…

Une partie de ce livre est consacré à « Rose Tatoo » et aux femmes qui ont été mutilées par un cancer du sein et ont choisi d’en faire une œuvre d’art. Au fil de ces pages nous pouvons constater à quel point le tatouage dans ce cas peut être un levier de résilience. 

Et puis un autre chapitre est consacré aux tatoueuses, ces femmes de l’art qui elles aussi témoignent de leur parcours, de leur choix et de leur vécu à travers leur pratique. 

Elles racontent :

Anne : c’est beau une femme tatouée

Femme dragon, femme fleur, femme dentelle, Anne nous offre son attitude livrée ou cachée, qui joue avec le regard d’autrui ou avec le sien. Elle « transpire » la beauté comme une philosophie de vie. Comme une force qui explose, Anne fait son chemin entre ces dessins permanents qui jalonnent les étapes et les états de conscience de sa vie. 

Kelly : Je ne suis pas une peau nue

Une infinie douceur émane de ces décors de peau. Douceur contredite par la phrase tatouée  en anglais sur le décolleté « Lève-toi et bats-toi ». Tout est là dans ces affirmations. Elle raconte au fil des images la musique, l’amour, la famille, les mots, le papillon, etc. Elle explique le regard des autres, des hommes et déclare « Je ne suis pas une peau nue 

Aïda : Une Geisha de dos. Elle regarde dans un miroir qui éclate. Ma vie d’avant n’était pas la mienne

Des courbes du corps à celles des dessins, les couleurs et les symboles se mêlent offrant des paysages oniriques et une énergie très foisonnante. Ce qui est passionnant dans le témoignage de Aïda, c’est le récit qu’elle fait de son chemin avec le tatouage et comment dessin après dessin, elle a construit toute une vie symbolique par le tatouage. On reconnaît le sens de sa phrase « Ma vie d’avant n’était pas la mienne »

Rassurez-vous, il y a de quoi lire et être inspiré par ces 195 témoignages de femmes tatouées. Ce livre, S’aimer Tatouée est un parcours en images exceptionnelles par la qualité́ et la diversité́ des motifs. C’est un voyage racontant le destin de cent quatre-vingt-quinze femmes tatouées qui dévoilent leur corps et leur âme, de façon pudique, sans artifice. Témoignages à fleur de mots, plongée dans l’intimité́ de ces histoires d’amour ou de souffrance pour se réapproprier son corps, en le redessinant, en gravant ses secrets dans sa chair, comme dans un journal intime. Ainsi s’encre pour les unes la renaissance et pour les autres la guérison, l’apaisement, la douleur ou la joie. La photographe Nathalie Kaïd a su instaurer un dialogue avec ces femmes qui se dévoilaient. Trois années de rencontres passionnées dont elle nous livre les confidences.

Nathalie Kaïd, le regard de l’âme

Nathalie Kaïde by Eleni Dimitriadi

Photographe et plasticienne. Ce qu’elle dit d’elle est si juste que je préfère lui laisser la parole : « Depuis 10 ans, je me consacre à la photo-témoignage en donnant la parole aux femmes. Dans une société où l’on est bombardé d’images artificielles retouchées, après avoir, comme tous, utilisé Photoshop, j’ai envie maintenant d’un retour aux sources pour capturer des instants vrais sans artifice. Je veux que mon œil sublime et révèle la féminité de toutes les femmes, jeunes ou âgées ; je souhaite aller à l’encontre des standards de beauté des magazine (j’y ai contribué au début de ma carrière ayant travaillé dans la haute couture et la mode) qui rendent tant de femmes malheureuses… Quand je les prends en photos, je sais qu’elles se verront différemment et commenceront à s’aimer.

De nos jours, tout va très vite. Mes projets photographiques sont, au contraire, des voyages au long cours : 4 ans pour monter l’exposition itinérante « Aux seins de la vie », 3 ans et demi pour le projet « S’aimer tatouée », durant lequel je suis partie à la rencontre de 195 femmes et 20 tatoueuses pour donner un regard sur le tatouage et les changements physiques et psychiques qu’il procure. C’est ainsi que le livre « S’aimer Tatouée » a vu le jour.

Depuis 2010, je suis une photographe engagée auprès des femmes dans le cadre d’Octobre Rose, avec une exposition itinérante « Aux seins de la vie », qui met à l’honneur 40 femmes ayant dévoilé leur poitrine, dont 10 après un cancer du sein.

Suite à ces rencontres, j’ai eu envie de donner la possibilité à ces femmes de se réapproprier leur image par le tatouage. La semaine « Rose Tattoo » est née en 2016, durant laquelle des tatoueuses engagées, formées au tatouage sur cicatrices post-cancer du sein, tatouent bénévolement des femmes. L’édition a été renouvelée en 2017, dix-neuf femmes en ont bénéficié.

L’association Sœurs d’Encre by Rose Tattoo, dont je suis la Présidente, a vu le jour dans la foulée. Son but est de permettre aux femmes de venir se renseigner sur la possibilité de faire des tatouages sur cicatrice(s), suite à une maladie ou à un accident, en collaboration avec le corps médical. Elle permettra de former des tatoueuses aux problématiques du tatouage sur cicatrices, grâce à l’implication d’une chirurgienne, Françoise Soffray, ainsi que l’oncologue Ivan Krakowski de l’institut Bergonié, et de trouver des dons pour financer ces tatouages. Parallèlement, l’association va promouvoir des événements de sensibilisation sur le tatouage réparateur. Pour plus d’infos, visitez le site : sœursdencre.fr »

S’aimer tatouée – Nathalie Kaïd – Editions Vega – 36€ https://www.editions-tredaniel.com

1 commentaire

  1. Bonjour Galya un grand merci pour cet article sur mon livre qui comme vous l’avez compris est un regard différent le tatouage. Depuis 6 ans avec l’association Soeurs d’Encre nous offrons des tatouages thérapeutiques après un cancer du sein pour que les femmes puissent de nouveaux aimer leur corps et se sentir belles et qu’elles puissent réinventer leur féminité.

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