
Des débuts très positifs
J’ai mis longtemps avant de me décider à écrire ce billet d’humeur afin de partager les expériences dont je suis témoin, et de vous demander ce que vous en pensez. Il n’est jamais évident d’être le trublion, le lanceur d’alerte ou la mouche du coche. L’univers du bien-être est principalement représenté par le Spa et ce qui s’en rapproche actuellement.
Sans aucun doute, à l’origine il y a un idéal, une volonté de faire du bien aux clients, d’affiner au maximum les concepts pour accompagner les gens dans des processus de détente, d’anti-stress, de détox, de régénération. Nous sommes parfois à la limite du médical, certains Spas s’aventurent même dans les soins intégratifs ou dans des voies de développement personnel. Les propositions des Spas ont beaucoup évolué depuis 10 ans et la notion de wellness s’est considérablement élargie avec valeurs et compétences. La profession s’est structurée avec une professionnalisation du personnel qui croit un peu plus chaque année.
Nous savons tous qu’au-delà de ces bonnes intentions, un Spa est aussi un centre de profit qui doit être rentable (en principe et si possible). Les 2 objectifs doivent cohabiter et parfois cela réussit. Que cela ne soit pas facile en France, c’est évident. Les charges sont très élevées et l’équilibre financier est difficile à trouver. Mais je ne pense pas que ce soit la seule origine des dérives.
Souffrance et maltraitance
On pourrait imaginer que de travailler dans l’univers du bien-être prédisposerait à une bienveillance et à une communication non violente. Eh bien non ! Que les personnes qui vivent un état de sérénité me pardonnent de lever un voile sur un aspect qu’elles ne soupçonnent pas car il est vrai que l’observation démontre que les aspects négatifs sont davantage manifestes à Paris et dans les Spas hôteliers. Les days Spas indépendants et la province semblent y échapper globalement.
L’observation démontre qu’il y a 2 sortes de malveillances : la dénigrement et une forme de violence au travail.
Mon intention n’est pas d’entrer dans des détails culpabilisants et misérabilistes. Mais j’ai entendu de mes propres oreilles des choses hallucinantes de méchanceté et de fausseté au sujet de personnes du métier que je connais très bien. j’ai constaté les effets d’une forme de persécution. Vous me direz que c’est monnaie courante de nos jours. J’aurais espéré que le monde du Spa aurait fait exception à cause de la philosophie du bien-être à l’origine de ce courant.
Le résultat est là : les démissions de Spa managers, de praticiens, de réceptionnistes vont bon train. La raison : une forme de souffrance dans le contexte professionnel. Les gens peuvent être parfois à la limite du burn out. Les gens changent de métier, dégoutés de l’univers du bien-être dont ils ne veulent plus entendre parler. Est-ce normal ? Qu’en pensez-vous ?
Tentons de comprendre de quoi il s’agit :
- Le hiatus de communication entre l’hôtel et le Spa : c’est une évidence, les
métiers de l’hôtellerie sont très bien structurés, ils sont anciens et ce sont eux qui ont pour mission d’intégrer le Spa. Le langage est complexe. Parfois les mots employés par l’hôtel et le Spa sont les mêmes mais ne signifient pas la même chose. Le Spa manager est en principe un chef de service de l’hôtel comme ceux de la restauration, de l’hébergement ou réception. Sauf que, faute de formation et d’information, il ne se comporte pas comme tel ou ne le peut, faute d’accueil positif.
- Le surmenage à haute dose : les tendinites chroniques, maux de dos et dépressions sont courantes chez les praticiens qui soumettent leur corps à rude épreuve sans prendre soin véritablement par des moyens régénérants.
- La volonté de pouvoir : comme dans toutes les équipes, il y a des jeux de pouvoir, de domination et de manipulation. Simplement on ne s’y attend pas dans un univers angélisé. Le personnel de Spa est très sensible et émotionnel et peu préparé à gérer les conflits.
- Une appréhension décalée des qualités nécessaires dans les Spas : beaucoup de praticiens diront que la principale qualité est l’amour de l’autre, l’empathie et la dévotion à son métier. Ceci en est une base a minima. Le Spa fait appel à des qualité d’intelligence y compris dans les soins, de sagesse, de gestion de l’énergie et d’une maturité émotionnelle. Ceci permet de bien faire son travail de façon équilibrée et de donner une prestation de qualité.
- Une formation insuffisante du personnel de Spa : savoir masser ou faire des soins visage est une base, mais cela ne suffit pas pour travailler en Spa. Il s’agit d’en comprendre réellement les codes, savoir gérer le surmenage, une gestion de sa posturologie et d’avoir une idée globale de son métier y compris son évolution au fil du temps.
Le management bienveillant et une vision différente du personnel de bien-être
Il y a actuellement de magnifiques expériences de gestion très respectueuses de l’humain dans les entreprises comme dans les Spas. Ceci même si le Spa est une industrie. Je citerais 2 exemples éclairants.
- Les « soft skills » analysés par Hélène Schetting, coach certifiée HEC dans le magazine Spa de Beauté d’avril 2018. Il s’agit d’une mutation dans les besoins des entreprises. Les soft skills sont les « compétences douces » :relationnelles, interpersonnelles, celles inhérentes à la personnalité. Elles s’opposent aux « hard skills » : les compétences techniques liées au métier.Le World Economic Forum a mis en relief ces compétences jugées indispensables : la créativité, l’intelligence émotionnelle, l’empathie, la gestion du stress. Sauf que –et il est très important d’être conscient de cet élément- il est indispensable de maitriser d’abord son hard skill avant d’accéder au soft skill. Les bons sentiments ne peuvent remplacer la compétence. Les 2 sont indispensables dans un Spa. LES DEUX ! le rôle d’un manager est de faire s’exprimer les 2 aspects afin d’avoir des collaborateurs heureux ce dont l’entreprise bénéficie.
- Je citerais également Paul J. Zak, neuro-économiste américain, enseignant, auteur et conférencier. Il évoque ce qu’il appelle la « molécule morale » et discute du rôle de l’ocytocine (hormone du bonheur) dans les expériences et les comportements humains tels que l’empathie, l’altruisme et la moralité. Il parle des 8 comportements managériaux générateurs de confiance :
- La reconnaissance de l’excellence de l’autre
- Provoquer un stress stimulant chez autrui
- Donner à autrui le pouvoir de décider
- Permettre aux collaborateurs de façonner leur travail
- Partager largement les informations
- Bâtir intentionnellement des relations
- Faciliter le développement personnel
- Montrer de la vulnérabilité
Tous ces éléments ne sont que des exemples de voies qui peuvent faciliter ouverture et compréhension mutuelles. Tout est possible en gardant à l’esprit le mot de bienveillance.
Pour harmonier philosophie du Spa et conditions de travail, bienveillance, communication non violente, ce métier doit évoluer vers un nouveau paradigme ; que les enjeux économiques soient réconciliés avec l’écologie de l’être humain, ce qui est loin d’être impossible car un personnel exempt de stress au travail, une ambiance générale empreinte de positivisme voire de bonheur génère on le sait tous des résultats, y compris financiers, sans commune mesure !