
Histoires courtes qui en disent long

Cette notion de « genre » est passionnante et a suscité de nombreuses réactions ces dernières années. Je n’y ai pas toujours été positive tant l’expression qui en était faite dans le public n’avait pas toujours de sens. Elle a entrainé dérives, excès et confusions où chacun tenait de s’y retrouver socialement et intimement. Mais, le principe a fait son chemin et la réflexion est arrivée à un stade de maturité qui permet de profondes prises de conscience. Ce livre en est le témoin. L’auteure, Violaine Dutrop l’exprime très bien dans le prologue de ce livre. Elle met l’expression « genre » qui s’impose maintenant dans la société, en relation avec la puissance des émotions refoulées qui se sont tout à coup libérées. Elle parle de la puissance de la colère générée par la frustration, l’humiliation, le sentiment d’injustice tout cela sur fond de communication non-violente. Eh oui ! Il y a peu de temps que la parole s’est libérée où d’aucuns ont fait entendre leur vécu intime, provoquant ruptures et bouleversements. Cette colère fut le moteur d’une libération où chacun a revisité son éducation, son conditionnement, et son expérience personnelle. De nombreuses personnes ont pris conscience des auto-trahisons devant les injonctions de l’entourage. Les questionnements sont devenus très intéressants sur différences entre sexe et genre, sur la réalité de l’incarnation physique et la réalité du corps comme définition d’une vie, sur les discordances entre vécu intérieur et communication extérieure. Cela a fait des dégâts, des gens perdus, les gens dépressifs mais également des engagements, des mutations sociales.
Ce livre est constitué de plusieurs récits comme des nouvelles qui enseignent et témoignent. Ils proposent une navigation dans différentes places : l’enfant, la femme, la mère, le père, la collègue, l’amie, l’homme. Les histoires sont porteuses d’émotions, de compréhension et de précisions qui aident les résistants à s’y retrouver.
Histoires d’en parler

Les inégalités hommes/femmes interpellent de plus en plus notre société. Elles s’appuient sur le pouvoir des médias, des images, de la publicité et des institutions et ont durablement influencé nos comportements. Il semble cependant que des réactions de plus en plus fortes voient le jour : mouvement Metoo, ouvrages dénonçant les violences faites aux femmes, etc. Il s’agit d’une véritable transformation sociale, qui bousculerait la domination masculine et l’assignation des femmes à leur fonction de mères et d’épouses soumises à leur mari. Cet ouvrage, notamment à travers de courts témoignages, dénonce les injonctions/assignations des rôles sexués, ainsi que les émotions ou indignations créées par de telles situations aussi bien dans l’enfance que dans la vie adulte. Il pose de nombreuses questions, contestant l’organisation actuelle du travail comme celle du couple ainsi que la chaîne du care qui découle des inégalités sociales. Violaine Dutrop nous invite à une réflexion collective plus approfondie qui interroge les rapports de genre (couple, jeune parentalité, articulation des rôles familial et professionnel, regard différencié sur les parents au travail ou dans leur rôle parental, questionnements de professionnel·le·s de l’enfance, etc.). Elle apporte un éclairage porteur d’espoir et de confiance en incitant à cheminer enfin vers un équilibre, en achevant le double mouvement d’émancipation du foyer et de la place au travail pour les femmes, qui n’est possible que grâce à l’engagement réciproque des hommes.
À travers une soixantaine d’histoires courtes qui en disent long, Violaine Dutrop nous décrit diverses situations qui peuvent nous paraître anodines, mais qui sont pourtant si révélatrices. Celles-ci dévoilent la manière dont notre société nous impose subrepticement des rôles sexués. Cet ouvrage, loin d’être moralisateur, aborde, avec gravité et sensibilité, et non sans humour, de multiples questions : l’accueil et l’éducation des enfants, le rapport au corps, l’organisation du travail, de ma famille, du soin ou les inégalités de revenus… Il nous convie à une réflexion collective plus approfondie pour nous interroger avec lucidité sur les rapports de genre. Véritable message d’espoir, il nous propose de construire un équilibre, possible grâce à l’engagement et au repositionnement des femmes comme des hommes.

Violaine Dutrop
Très investie dans les luttes contre les inégalités de genre, Violaine Dutrop est diplômée d’un master 2 de recherche en droits humain de l’université de Lyon 2. Après dix-sept ans d’expérience dans une grande entreprise, elle fonde en 2010 l’institut Egaligone, association lyonnaise qui encourage l’éducation non sexiste par la mise en lien de savoirs théoriques et de pratiques éducatives auprès de publics éducatifs.
En parallèle, elle collabore aux revues en ligne 50-50 et Slate, où ses chroniques n’hésitent pas à questionner et ébranler les convictions bien ancrées de notre société sur le patriarcat, l’éducation ou encore l’environnement.
Le pouvoir insidieux du genre – Violaine Dutrop Editions libre & solidaire – 19,50€ www.libre-solidaire.fr
