
De l’envahissement émotionnel
Depuis une cinquantaine d’années le champs émotionnel général a non seulement augmenté mais se justifie par une hyper expression. La sensibilité exacerbée et l’émotionnalité turgescente sont très répandues actuellement. Sans doute à cause de siècles de verrouillage de l’émotivité perçue comme une faiblesse, où la culture préconisait de maitriser ses émotions afin d’être stable socialement, étanche dans la communication. Il était de bon ton que tout soit « sous contrôle ». Chacun y allait de sa volonté et de son intellectualisation de la relation.
C’était sans doute une étape indispensable à l’époque que nous vivions où chacun devait se trouver une identité en se libérant de schémas anciens : Les femmes se devaient de trouver leur place professionnelle et sociale parfois au détriment de leur sensibilité, quant aux hommes leur héritage patriarcal construit au fil des temps craquait sous la pression du féminisme et de l’évolution sociale. Les hommes se donnèrent le droit à l’expression de leur sensibilité, de leurs émotions et même de leur vulnérabilité. Ceci, déstabilisa beaucoup les femmes qui, même si elles s’affirmaient de plus en plus et souhaitaient voir les hommes changer de comportement, ne se retrouvaient pas dans leurs attentes de masculin. Ce furent quelques années de transition où chacun se cherchait entre schémas obsolètes et nouvelles expressions. Chacun sentait que vivre ses émotions quitte à en être fragile, révélait une authenticité de son être profond. Tous souhaitaient vivre pleinement ses émotions, d’autant plus que l’avancée sur les recherches autour du développement personnel et des thérapies brèves confirmait à quel point beaucoup de dysfonctionnements au quotidien en tous domaines avaient pour origine des blessures émotionnelles et des manques à être sur ce plan là. Ce fut l’embellie des méthodes « d’intelligence émotionnelle » de « Tipi », « d’Alchimie émotionnelle » ou encore « EFT (Emotional Freedom Techniques) ». Au-delà de la libération, de l’intégration nous sommes arrivés à un stade de très grande fragilité, parfois ingérable dans certaines situations, j’ai vu des personnes se déclarer en burn out sous une pression que dans ma propre vie professionnelle, j’aurai qualifiée de « fatigue de fin de semaine ». L’hystérisation émotionnelle bouscule la communication et les bases du bien-être tout simple. Ces envahissements sensibles révèlent et justifient une vulnérabilité qui se sait plus se gérer.
De la blessure à la faiblesse
L’étymologie du mot « vulnérable » vient du latin « vulnerare » : Blesser. On comprend mieux comment on peut passer d’une sensibilité, au sentiment d’être blessé dans son intimité sans pouvoir se défendre ou surmonter la souffrance. A ce moment-là, la sensibilité est la porte ouverte à la vulnérabilité car l’articulation ne peut se faire avec le besoin de se protéger ou de se préserver. Du coup la vulnérabilité est perçue comme une faiblesse. Faiblesse vis à vis d’autrui car il n’y a plus de présence réelle dans la relation et cela génère une sorte de mépris de soi ou de celui qui est trop vulnérable. Beaucoup de personnes très vulnérables se décrivent comme nues en permanence, sans aucun voile, sans vêtement et sans protection, avec un sentiment de peur, de honte et d’impuissance. La réaction classique est alors de résister au maximum à cette faiblesse, cette vulnérabilité. Et du coup nous assistons à un double schémas qui se met en place : un blindage de protection et une hyper-émotionnalité qui se jouent de la personne qui forcément « craque » à un moment sous cette double contrainte. Et dans l’univers du bien-être qui est le notre, nous observons cela en permanence, ou si nous ne l’observons pas, nous en constatons les conséquences. C’est pourquoi les massages dans les spas sont une voie royale de pacification sinon de guérison car à travers le corps et dans un dialogue non verbal, l’être tout entier lâche ses défenses, laisse ses émotions retrouver leur juste place tout en intégrant une vulnérabilité qui n’a plus le visage de la faiblesse. Au contraire !
J’aimerais évoquer un autre aspect de la vulnérabilité qui aurait à voir avec l’immunité ou le manque de système immunitaire. En ces temps de crise sanitaire et de vulnérabilité à une maladie infectieuse se pose la question de nos systèmes de défense. Cette question m’a été posée souvent dans la pratique de mon métier. Pendant plus de 40 ans, j’ai reçu des patients pour des massages énergétiques, des entretiens ou des rééquilibrages. J’ai également beaucoup enseigné à des futurs thérapeutes. La question était : « Comment faites-vous pour vous protéger ? Que doit-on faire ? S’entourer de lumière, créer un œuf de protection ? Mettre un bouclier ? »Ma réponse était toujours la même : « Mes patients ne sont pas des agresseurs, je n’ai pas besoin de bouclier. Le seule chose que je fais, et j’entretiens cela avec rigueur depuis ma toute jeunesse : je nourris mon énergie interne. Je ne pose jamais les mains sur quelqu’un sans vérifier si j’ai lâché toutes mes tensions musculaires, si je suis centrée dans mon hara, je visualise la circulation du Chi en moi, je respire d’une manière appropriée et parfois je dis un mantra ». Mon système immunitaire est très important et il est interne. Je tiens à ma vraie vulnérabilité car c’est ma force. C’est elle qui me permet d’être authentique et puissante dans la relation !
La vulnérabilité serait-elle notre plus grande force ?
Les échanges avec les plus grands maitres sur ce sujet de la vulnérabilité, ou l’écoute de certains « channels » m’ont permis d’intégrer que la vulnérabilité est une grande force et une qualité à développer en soi. Elle permet tout d’abord d’avoir accès en soi-même à ses émotions et à ses sentiments. C’est l’ouverture à un ressenti authentique. Eh oui, du coup on est plus empathique avec soi et avec les autres. Dans un premier temps, c’est sur, il y aura du « ménage à faire » pour trier, reconnaître et guérir. Mais au-delà, se dessinent une vraie joie et un amour de la vie. Il ne faut que une bonne dose de courage pour lâcher ces vieux schémas de défense en étant certain que la vulnérabilité assumée permet de développer une force intérieure qui laisse ces besoins de protection aux oubliettes et surtout ensuite de remettre à leur juste place les émotions.