Le baptême civil, une initiation républicaine

J’ai découvert cette semaine, quelque chose qui existe depuis des siècles et que je partage avec vous : le baptême civil. Une de mes amies organise une jolie fête car sa fille de 16 ans va recevoir son baptême civil. Quoi ? je connaissais le baptême chrétien, mais mon amie est athée ainsi que toute sa famille. Mon amie, qui s’appelle Eirin Forsberg est norvégienne, mariée avec un Français depuis environ 20 ans et leurs enfants sont français. Pour l’occasion plus de 30 personnes se sont déplacés de Norvège à Paris afin d’assister au baptême civil de Katinka. Je ne puis qu’être intriguée par ce rituel que je ne connaissais pas.

Dans les faits, cela n’a rien de religieux. C’est un rituel républicain qui existe depuis la Révolution française. Il se pratique dans les mairies sans que celles-ci soient obligées de le célébrer. Le baptême civil n’est pas inscrit sur les registres de l’état civil et les justificatifs éventuellement délivrés n’ont pas de valeur au regard de la loi. Il s’agit d’une cérémonie symbolique et laïque. Au cours de ce rituel, les parrains et marraines font adhérer l’enfant, de manière symbolique aux valeurs républicaines.

La situation est simple : C’est l’histoire d’une femme qui vit harmonieusement entre deux cultures : La norvégienne dont elle est native et à laquelle elle est restée fidèle au point que ses trois enfants ont été élevés parlant les deux langues (française et norvégienne) et la culture française qu’elle a adoptée il y a une vingtaine d’année et où elle rayonne culturellement. Katinka est sa seconde fille. Elle fait des études classiques comme n’importe quelle autre adolescente. Toute la famille a des valeurs de respect, d’authenticité et d’équilibre émotionnel.

Lorsque la décision a été prise de faire ce baptême civil, tout s’est organisé pour en faire un vrai moment sacré et familial. La famille norvégienne a immédiatement décidé de venir participer à ce moment comme à une fête importante. Plus de 30 norvégiens étaient là pour honorer cet engagement républicain et la valeur de l’initiation dans la vie de Katinka.

J’ai participé avec enthousiasme et affection à cette jolie fête que j’ignorais jusqu’alors et je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’elle pourrait apporter d’une manière générale au potentiel d’intégration à tous ceux qui arrivent de l’étranger voulant vivre en France et se débattent entre contradictions et marginalisation. Je crois beaucoup au pouvoir du rituel. Il déclenche souvent la conscientisation, il peut favoriser un engagement et puis cela pose des valeurs (en l’occurrence) républicaine.

La différence entre le baptême civil et religieux, est que ce dernier relève de la foi. Le baptême religieux est un sacrement. Il représente l’entrée d’une personne dans une religion, il est pratiqué par les familles croyantes. Le baptême civil n’a rien de sacré, il permet de fêter la naissance d’un enfant dans une société sans aucune connotation religieuse, il est généralement pratiqué par les familles athées.

Le baptême civil se déroule, généralement, dans la salle des mariages, à la mairie, le samedi après-midi. La cérémonie est alors célébrée par le maire ou son adjoint. Un discours est prononcé sur les origines du baptême civil et la transmission des valeurs républicaines. Le parrain et la marraine s’engagent moralement à accepter « leurs nouvelles responsabilités ». Et signent alors « un certificat de parrainage civil ». Ils reçoivent une copie de ce certificat au même titre que les parents. Un exemplaire est destiné à l’enfant.

Cet engagement symbolique remonterait à l’époque de la Révolution française, au moment de la séparation de l’Église et de l’État. Il aurait été instauré par le décret du 20 prairial an II, le 8 juin 1794. Mais cette coutume serait tombée dans l’oubli. Ce n’est que depuis qu’une trentaine d’années qu’elle a été remise au goût du jour. Précisons, d’ailleurs, que la mairie de Paris ne célèbre les baptêmes républicains que depuis 1995.

Je connais Eirin depuis plus de 12 ans. Elle est comédienne, metteure en scène et coach.

Je lui ai posé les questions suivantes :

  • Qu’est-ce qui t’a donné l’idée et l’envie de faire un Baptême civil pour ta fille.

Eirin : C’est tout simple. En Norvège cela se fait naturellement. On l’appelle « Confirmation civile ». Ce partage est considéré comme très important et toute la famille se réunit autour de l’enfant. C’est plus qu’une formalité. On considère que c’est une manière d’accompagner quelqu’un dans son progrès de vie, en particulier sa vie de jeune adulte. Pour moi c’était très important de faire cela pour ma fille, car ce qui arrive après, c’est elle seule qui choisit, organise et assume. Tout le monde fait des efforts, les gens disent des sortes de discours où ils parlent d’elle. Et tout le monde entend les facettes d’elle que les autres présentent.

Les valeurs qui sont évoquées lors de la cérémonie sont la liberté, l’égalité et la fraternité.

C’est aussi l’occasion d’une prise de conscience.

  • Y a-t-il une préparation spéciale pour ce rituel comme cela se passe dans les cérémonies religieuses ?

Eirin : Il n’y a pas de préparation sociale particulière. Mais moi j’ai parlé avec ma fille du sens que cela impliquait. Elle a choisi son parrain et sa marraine sur qui elle pourrait compter en ce domaine. Ensuite au moment de la cérémonie, madame le Maire a fait un discours qui était très instructif. Chaque invité de la famille ou ami a dit un mot à la fois touchant sur sa vision de Katinka et sur le symbole lui-même de l’engagement républicain. C’était simple mais très fort. Ma fille en a été touchée.

La pièce que joue Eirin Forsbeg en ce moment :

« Une mère célibataire avec une enfant rencontre un homme qui tombe éperdument amoureux d’elle. Ils se marient. Dix ans plus tard, elle dépose plainte pour violences conjugales.
Cette histoire commence à l’instant où elle s’échappe du domicile conjugal.

Au travers des flash-back, l’urgente nécessité de renaître, de se redresser. Elle doit alors faire face au miroir des souvenirs douloureux, affronter et surmonter ses doutes, ses peurs, ses faiblesses, ses hontes, sa culpabilité, son manque d’estime de soi … et le quotidien.

« Et maintenant… ?» commence là où le drame prend fin. Sa vie n’est qu’un chantier où tout n’est qu’à reconstruire

On suit notre héroïne à travers ses interrogations. Comment en est-elle arrivée là ? Est-ce qu’elle aurait pu l’éviter ? Y avait-il des signaux qu’elle aurait pu voir ? Ou les avait-elle vus en refusant d’en prendre compte ? et quel a été son rôle dans cette danse triste et morose qui s’est malgré tout dansée à deux.

En remontant le fil pour comprendre, elle nous laisse découvrir comment elle s’est pratiquement auto-convaincue des bons côtés de son homme et de son couple.

Parallèlement son combat ne fait que commencer ; elle doit faire face aux nombreux obstacles du quotidien, trouver un logement, des enfants perturbés, sa culpabilité ainsi que sa honte et la peur qui la menacent de lui usurper toute sa force. Mais elle y arrive et nous montre par quel chemin long et cabossé, elle y arrive.

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