Ma cuisine italienne, Bella Gigi ! – Grégory Cohen

Il y a, dans Bella Gigi, cette manière tendre de raconter l’Italie par ses gestes plutôt que par ses mots. Grégory Cohen ouvre son livre comme on ouvre une cuisine un dimanche midi : avec le parfum tranquille des sauces qui mijotent, la lumière douce sur les légumes découpés, et cette chaleur familiale qui passe d’un plat à l’autre. Ici, la cuisine italienne n’est pas un décor : c’est une transmission, presque une généalogie de saveurs. L’auteur convoque ses souvenirs d’enfance – une maison où l’Italie respirait partout, un tablier noué par sa grand-mère, des pâtes fraîches pétries avec le cœur autant qu’avec les mains – et les transforme en un récit culinaire où chaque recette porte en elle un fragment de mémoire. On sent, à travers les pages, une nostalgie lumineuse, celle des repas où l’on parle fort, où l’on rit, où l’on partage sans compter. Une Italie chaleureuse, sincère, qui invite à ralentir pour mieux savourer.

Le livre prend alors des allures de périple, un voyage doux et gourmand qui traverse les 20 régions italiennes comme autant de climats émotionnels. On suit Grégory Cohen de la Lombardie veloutée à la Sicile solaire, du Piémont robuste aux Pouilles délicates. Chaque recette devient une halte, une carte postale vivante : les arancini croustillants racontent Palerme, les spaghetti alle vongole s’emparent du souffle salé de Naples, la focaccia genovese porte le vent marin de Gênes, l’osso buco rappelle Milan et sa cuisine enveloppante. L’auteur capture la diversité italienne sans jamais la rendre intimidante ; il la traduit en gestes simples, en ingrédients accessibles, en techniques franchement délivrées. Ce voyage culinaire n’est pas une démonstration : c’est une invitation à ressentir. À sentir l’odeur du basilic entre les doigts, la chaleur de la polenta fumante, le sucre craquant des amaretti. À percevoir, derrière chaque plat, les influences arabes, maritimes ou paysannes qui ont modelé l’Italie comme un patchwork de traditions tendres et fières.

Mais Bella Gigi, c’est aussi un livre pensé pour la vraie vie, pour les cuisines modestes, les dîners improvisés, les repas partagés sans manière. Grégory Cohen propose plus de 55 recettes conçues pour être reproduites chez soi, avec des instructions lisibles, des repères de cuisson intelligents, et surtout l’assurance d’une cuisine qui réussit. Il y a les bases – émulsionner une sauce tomate, contrôler l’hydratation d’une pâte, assaisonner avec justesse – et les astuces qui donnent de la profondeur à un plat : une chapelure “or”, une huile pimentée faite maison, des pignons toastés qui changent tout. Le livre ne cherche pas à impressionner : il cherche à transmettre, à donner confiance, à rendre simple ce qui semble lointain. Il rappelle que la vraie cuisine italienne n’est pas spectaculaire ; elle est généreuse, modeste, ancrée dans le quotidien, et toujours tournée vers les autres. En filigrane, trois mots s’imposent : générosité, simplicité, sincérité. Et cette idée très italienne que cuisiner, c’est aimer.

Derrière ce livre, il y a un parcours singulier : celui d’un chef autodidacte dans sa manière d’aimer la vie autant que la cuisine. Grégory Cohen, né en 1968 à Neuilly-sur-Seine, a grandi entre le fournil familial et les récits de voyages. Formé très jeune au restaurant parisien Le Galant Verre, il a d’abord exploré la pâtisserie puis la cuisine traditionnelle, avant de suivre une trajectoire inattendue vers le marketing digital international. Ce détour nourrira sa vision : une cuisine ouverte, inventive, joyeuse. Revenu à ses premières amours, il s’impose comme animateur, chroniqueur sur France Inter, chef et entrepreneur. À la tête de plusieurs établissements et engagé dans la promotion du “mieux manger”, notamment en milieu hospitalier, il incarne une génération de chefs pour qui la transmission est essentielle. Bella Gigi reflète parfaitement cette identité : celle d’un cuisinier qui ne cherche pas la performance, mais le partage ; qui voit dans la cuisine italienne non pas une technique, mais une émotion ; et qui invite chacun à faire de sa propre table un lieu de lumière et de convivialité.

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