La DECONSTRUCTION des HOMMES – Une fausse bonne idée – Hélène Vecchiali

Il est des livres rares, de ceux qui ne se contentent pas de faire réfléchir mais qui déplacent l’âme. Des livres qui vous emmènent au-delà des émotions mille fois ressassées, au-delà des slogans usés, vers une conscience plus vaste, intime et essentielle. Le nouvel ouvrage d’Hélène Vecchiali est de cette trempe.

Sous l’étiquette un peu galvaudée de la « déconstruction des hommes », elle ose creuser plus loin, interroger, retourner les évidences. Elle y mêle son expérience du terrain, son intuition vive, son authenticité entière. Rien ici de cérébral ou de sec : c’est une invitation, un chemin initiatique qui parle autant aux hommes qu’aux femmes, et qui ramène chacun à une source plus profonde de soi, loin des injonctions sociales et des dogmes.

La langue d’Hélène Vecchiali a cette grâce singulière : à la fois poétique et rigoureuse. Elle tisse la philosophie, la psychanalyse et l’art du coaching avec une élégance rare. Le sujet est brûlant, délicat, parfois explosif. Il fallait bien son audace et sa justesse pour l’aborder ainsi, avec amour, lucidité et un courage qui élève.

Le masculin est devenu l’animal rare des zoos médiatiques. On le scrute, on le critique, on le caricature. Dans les pubs, sur les réseaux sociaux, partout, son aura se fissure : trop dominateur, trop toxique, trop sûr de lui. Bref, un dinosaure qu’il faudrait réformer, voire faire disparaître. Mais au fond, que reste-t-il de « l’homme» ? Existe-t-il encore une définition stable de cette créature mouvante, ou bien sommes-nous entrés dans l’ère du flou, du neutre, du « non-genre » où le masculin se dissoudrait comme sucre dans le café du féminin ?

Depuis #MeToo, un trouble s’est installé dans le paysage, un trouble fertile mais déstabilisant, que Judith Butler avait annoncé. Le féminin, jadis assigné à se battre pour ses droits, a gagné du terrain. Le masculin, lui, vacille. Et dans ce vacillement, un mot fétiche est né, brandi comme la promesse d’un monde meilleur : « l’homme déconstruit ».
Mais à force de le déconstruire, ne risque-t-on pas d’ériger un être fantomatique, transparent, vidé de ses racines symboliques ?

Petit rappel sémantique : les femmes n’ont droit qu’à un seul mot, « la féminité ». Les hommes, eux, jouent sur deux registres : virilité et masculinité. Une nuance cruciale. La première est désormais persona non grata : trop associée à la domination, à la brutalité, au sexisme. La seconde, plus plastique, reste acceptable, analysable, négociable.

Personne ne souhaite vraiment éliminer les hommes — sauf quelques avant-gardes radicales. Le projet serait plutôt de les libérer du carcan viriliste. En somme : alléger leur fardeau pour qu’ils cessent d’alourdir celui des femmes. Une promesse gagnant-gagnant, sur le papier.

Sauf que… la virilité n’est pas seulement une arme tournée contre les autres. C’est d’abord une auto-contrainte, une armure que les hommes se fabriquent eux-mêmes. Elle exige perfection, force, maîtrise, domination. Et, comme toute chimère, elle se recompose avec le temps. Hier : le chevalier, l’aviateur, le chef de clan. Aujourd’hui : le mec musclé, tatoué (mais pas percé !), hétéro, indépendant, consommateur de loisirs polluants et d’adrénaline. Un être dont la voix se doit d’être grave, les larmes discrètes, et la séduction active.

Un cliché, certes. Mais les clichés ont la vie dure : ils tiennent lieu de mythes collectifs.

Et si « déconstruire les hommes » n’était pas une solution, mais un mirage ?
Un malentendu géant, une illusion collective, où l’on confond progrès et effacement ?

Car derrière les débats crispés, les slogans brandis comme des étendards, une autre urgence se cache : non pas affaiblir le masculin, mais l’initier. Non pas le casser, mais le transformer.

Hélène Vecchiali ose rappeler une évidence oubliée : on ne déconstruit pas ce qui n’a jamais été construit. Le masculin n’est pas une façade à abattre, mais une force à travailler, à faire mûrir, à guider vers son axe. Entre le macho triomphant et l’homme transparent, il existe une voie plus subtile, plus exigeante : celle d’une métamorphose intime.

Cette mutation n’a rien d’une balade. Elle passe par des meurtres symboliques – ceux des figures parentales, de l’égo gonflé, des fausses certitudes – pour accéder à un masculin habité, vivant, enfin apaisé.

Lucide, impertinent, humaniste, cet essai refuse le confort des dogmes. Il se nourrit de psychanalyse, de philosophie, de poésie, de rites de passage, de récits de vie et même de cinéma. Non pour plaider la chute des hommes, mais leur élévation.

Car le masculin n’est pas à déconstruire. Il est à traverser, à éprouver, à initier. Pour que l’hommedevienne, non pas un fantôme docile, mais un être deboutlibre de ses ombres et de ses chaînes.

Il y a chez Hélène Vecchiali une force tranquille, une présence rare. Orthophoniste à ses débuts, puis psychanalyste dans le Sud de la France, elle a longtemps accueilli les silences, les fractures et les renaissances des patients sur le divan. Puis, à Paris, en 2000, elle a créé sa propre société de coaching de dirigeants. Aujourd’hui, elle accompagne les décideurs et leurs équipes, animant séminaires et parcours de transformation avec la même intuition que celle qui guidait ses cures psychanalytiques.

Écrivaine d’essais, elle a ce talent singulier : rendre accessibles les concepts les plus complexes, relier la psychanalyse aux secousses de la société, écrire comme on respire. Dans Un zèbre sur le divan (Albin Michel, 2022), elle s’est penchée sur les HPI. Dans d’autres livres, elle a levé le voile sur l’intimité des cures, racontant mutisme, anorexie, emprise ou dissociation comme autant d’énigmes existentielles. Mais là où d’autres se réfugieraient derrière la neutralité, Hélène Vecchiali ose l’intuition, le regard vibrant, l’humanité vivante.

Pour elle, la psychanalyse n’est pas un dogme, mais un chemin initiatique, parfois romanesque. Elle la raconte comme une aventure intérieure : celle de patients qui se livrent et se battent pour renaître, et celle d’un psy qui, dans l’abnégation, accepte d’être traversé par ces histoires, avant d’être quitté pour toujours.

Il y a, dans chacun de ses récits, quelque chose de magique : le moment où le courage du patient rencontre la vérité du thérapeute. C’est là qu’Hélène Vecchiali excelle : à capter l’instant où la souffrance bascule en lumière.

· « Ainsi soient-ils », éditions Calmann-Lévy (2005)
· « Guerre et paix chez les psys », éditions Calmann-Lévy (2006)
· « Mettre les pervers échec et mat », éditions Marabout (2014) Prix littéraire Parité Assurance (2020)
· « Moi, Moi et Moi », éditions Marabout (2017)
· « Le silence des femmes », éditions Albin Michel (2019)
· « Un zèbre sur le divan », éditions Albin Michel (2022)
· « La tragédie du sauveur », éditions Marabout, (2024)
· « Bienvenue en thérapie », éditions Larousse (2024).

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