Écrire ou mourir (initiation comprise)

Soyons clairs : une vie d’écrivaine n’a pas plus de sens qu’une procession d’ombres sur un boulevard. Et pourtant, de ces ombres surgissent parfois des éclats. Des mots. Des phrases. Des incantations. Et soudain, l’écrivaine n’est plus une marionnette du destin, mais la sorcière qui en tire les fils.

Salomé Becker — appelons-la comme ça, son alias de passeuse d’ombres — ne se contente pas de gratter le papier. Elle le lacère, l’ensorcelle, lui impose le vertige d’un alphabet initiatique. Astrologie, alchimie, symboles, mythes : tout est convoqué dans sa cosmogonie, à commencer par ses propres démons. Car écrire, chez elle, ce n’est pas simplement raconter. C’est pactiser avec la part obscure, marchander un peu de lumière contre beaucoup de vérité.

On voudrait croire que la fiction n’est qu’un jeu. Mais ses histoires prouvent le contraire. Ses personnages sont des doubles, des visages de l’âme, des voix qu’elle libère comme on libérerait des esprits trop longtemps enfermés. À travers eux, Salomé initie le lecteur — et s’initie elle-même — à ce qu’il y a de plus brut, de plus fauve : le désir de sens.

À quoi sert une vie d’écrivaine, franchement ? À quoi bon se perdre dans les méandres d’intrigues alchimiques, d’astres et de sociétés secrètes ? Peut-être, tout simplement, à se retrouver. À comprendre que chaque mot est un aveu, que chaque atmosphère est un oracle, et que chaque phrase, à la manière d’un mantra, révèle un fragment de la grande question : Qui suis-je ?

Il y a des plumes qui décorent. Et il y a celles qui transpercent. Salomé Becker a choisi la lame plutôt que la dentelle, l’exploration plutôt que la répétition. Ses livres n’ont rien de petits contes confortables. Ce sont des rituels. Des miroirs piégés. Des portails vers un ailleurs où la vérité grince et brûle.

Et si c’était ça, la seule Voie d’accomplissement pour une écrivaine ? Risquer sa peau à chaque ligne. Se dépouiller de ses illusions. Écrire pour se rappeler qu’avant d’être vivante, on est surtout en chemin.

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