Le respect des limites en massage

La notion même de limites est ambiguë et pourtant si nécessaire en ce qui concerne le massage. Bien entendu, on pense aux dérives sexuelles ou érotiques dans l’univers du spa. Car cela existe. Dans certaines cultures tout massage est considéré être « complet » s’il intègre le « complément » sexuel. Parfois c’est consenti entre client et praticienne et parfois non, c’est imposé par le client. Au cours de ma carrière je l’ai constaté très très souvent. Et malgré les alertes, on n’y peut rien, car souvent c’est ancré dans la culture.

Ce n’est pas de cela dont je veux parler aujourd’hui.

Je souhaite évoquer une sorte d’innocence fondée sur une méconnaissance.

Beaucoup ne souhaitent pas parler frontalement de dérives érotiques ou d’abus sexuels car ce n’est pas « glamour ». Il ne faudrait pas rendre sulfureux les spas. Ben ??? C’est la réalité. Et tout n’est pas à jeter aux orties, même quand arrivent des choses qu’on n’aimerait pas voir ou expérimenter. Il suffit de comprendre ce qui se passe et d’analyser.

En 40 ans de pratique de massage j’ai pu constater moi-même les réactions et réfléchir au meilleur moyen de traiter le problème en respectant chacun. De surcroit j’ai beaucoup enseigné à l’étranger et j’ai eu à trouver les ressources pour les élèves en détresse.

La peau est considérée comme un organe érogène à part entière. C’est même le plus grand organe érogène du corps humain, car elle est truffée de récepteurs sensoriels, notamment ceux du toucher, de la température, de la pression et de la douleur.

  • Elle est richement innervée, surtout dans certaines zones comme le cou, les lèvres, les paumes, les mamelons, l’intérieur des cuisses, le bas du dos…
  • Elle transmet des informations tactiles au cerveau via des nerfs comme le nerf vague, le nerf pudendal ou encore le nerf trijumeau.
  • Le toucher peut provoquer des réactions émotionnelles, hormonales et physiques, déclenchant parfois une excitation sexuelle sans qu’il y ait stimulation génitale directe.
  • Certaines caresses douces ou effleurages activent des fibres nerveuses spécifiques appelées fibres C tactiles, qui sont liées au plaisir et à l’attachement.

En somme, la peau est un pont entre le corps et les émotions, un territoire très sensible à la sensualité et à la tendresse.

Que quelqu’un qui n’a aucune intention génitale au cours d’un massage ressente du plaisir érotique à un simple massage, peut être tout à fait logique. On ne peut en aucun cas lui en faire grief. La seule question à se poser de la part de la personne qui reçoit comme de celle qui donne : lorsque cela arrive, qu’en fait-on ? peut-on tout réprimer, garder toute réaction dans le secret de son être afin de ne pas molester la personne témoin ? le respect est positif, mais dommage pour la prise de conscience et le plaisir qui ne demandent qu’à s’exprimer positivement.  C’est un fil de rasoir où la prise de conscience est primordiale. Accueillir. Vivre. Reporter à plus tard l’expression ???

Lors d’un massage à un homme, il se peut qu’il y ait une érection. Si la masseuse n’a pas été formée à gérer cela, elle peut en être choquée et ne pas savoir gérer. Dommage pour la formation car il est indispensable de donner toutes les clés pour gérer cette situation. Car dans la plupart des cas, l’érection procède uniquement d’une réaction physiologique. D’ailleurs dans ce cas, l’homme est gêné ayant le sentiment qu’il agresse la personne qui le masse. La meilleure réaction est d’y rester indifférente et de couvrir le bassin avec une serviette. C’est une mesure simple de protection.

Cependant, faisons un peu de physiologie. Vous aurez ainsi des arguments à donner à votre client pour le tranquilliser. Ce sont des remarques que je faisais régulièrement à mes clients dans ce cas-là. 

  • Cela signifie très souvent que la personne est profondément détendue. Cela arrive très souvent.
  • Toutes les nuits au moment du sommeil paradoxal, il y a érection du pénis et chez la femme, érection du clitoris, et des mamelons.
  • Si vous pratiquez des massages énergétiques, vous pouvez presser un point qui déclenche une érection. De mon côté lorsque cela arrivait à un de mes clients, je banalisais en disant « c’est l’énergie qui circule ». Et c’est vrai !
  • Et, puis, à ne pas négliger et à respecter car le massage peut aider à guérir de blessures liées à la sexualité. Il y a de nombreux cas comme cela. Cette « libération » aide à la reconstruction. Cependant attention ! ne jouez pas aux apprentis sorciers. Malgré votre bonne volonté, vous n’êtes pas des psychothérapeutes. Il est préférable que votre client aille traiter ce sujet ailleurs. C’est beaucoup plus sain pour tout le monde.

Le challenge du praticien lorsque cela arrive c’est de discerner si le client est en train d’être « dépassé » par la situation, ou bien s’il est en train de manipuler. Certains clients sont simplement dans la provocation d’une gêne chez une praticienne un peu innocente. D’autres clients cherchent à imposer leur pouvoir par la sexualité. L’autre est une proie à abaisser.

Dans ce jeu, quelle est la solution ? remettre un client à sa place et vous à la vôtre n’est pas le sujet précis de cet article. Il y a des mots et des méthodes très efficaces.

La base sur laquelle je vous invite à réfléchir et à travailler est que le contact peut être très agréable, très réconfortant, sans être génital. C’est ce que démontre l’haptonomie.

Le contact aussi intime soit-il peut être totalement non génital Il apporte alors sécurité intérieure, guérison et ouverture. Cela vaut le coup de connaître et de développer.

Le respect ou le dépassement des limites dépend de la véritable intention de chacun. Ceci n’est pas si simple car il se peut que certaines intentions soient masquées ou inconscientes. Le thérapeute doit être conscient que, quoi qu’il fasse, massage, coaching ou accompagnement, c’est l’intention qui dirige la technique. Le client vit ce qu’il a à vivre au cours du massage. Lorsque quelque chose arrive lors de son massage, il doit juste en faire le relevé afin de mieux l’intégrer : détente profonde, vitalité, angoisse, créativité, sensibilité, plaisir. Le thérapeute quant à lui doit travailler sur son intention. Tout se passe d’inconscient à inconscient.

Le désir qui passe dans la pensée ou le sentiment du praticien peut être légitime. Et alors ? le thérapeute est vivant. Le désir en est une preuve. En revanche, qu’en fait-il lors d’un soin ? A la manière d’un alchimiste il doit transformer ce qui est là et s’exprime en lui. Laisser le désir érotique s’exprimer au cours du soin constitue un crime sur le plan de la guérison car cela va nuire au client/patient. Il ne pourra pas se positionner intérieurement par rapport à son propre désir. Quant au praticien il manquera d’une occasion d’évoluer et de grandir dans son identité.

Tout revient à cette notion de limite. C’est la responsabilité du praticien. Ce n’est pas un hasard que ce soit inscrit dans le code de déontologie de tous les praticiens de bien-être et de santé. Cette lucidité doit faire partie de tout engagement dans la Voie du soin. N’importe quel praticien doit s’interroger sur ses motivations. C’est un vrai travail à faire avant de s’engager. On le fait au moment de ses études ou avant de commencer à s’occuper des gens. Prendre soin des autres de quelque manière que ce soit, n’est pas l’équivalent de métier avec un mécanicien, un vendeur de légumes ou un agriculteur.

La limite même si elle ressemble à une contrainte, libère les deux parties. Chacun peut se relier à son axe de la meilleure manière.

Et quoi qu’il en coute, si un de vos clients vous invite à une action érotique aussi minime soit-elle, je vous conseille le NON ferme, clair et définitif. Quels que soient les arguments du client, votre désir ou votre trouble. Tenez bon ! Résistez !

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