

Oeuvrant dans le non-agir, le sculpteur taoïste va simplement laisser la forme émerger du bloc de pierre ; il va se contenter de faciliter cette émergence en dégageant, aux ciseaux de pierre, la matière qui recouvre la statue : il trans-forme. C’est à cet art de la transformation que nous invite le sage chinois Tchouang tseu : « Celui qui ne participe pas à l’universelle transformation, comment pourrait-il transformer les autres hommes ? ». Dans notre propre développement personnel, nous avons déjà éprouvé cette vérité, nous avons pu observer tout au long de notre vie comment se sont révélés tel ou tel talent, autrefois enfoui au plus profond de nous-mêmes. « Le potentiel est inscrit dans la situation », autre aphorisme chinois, et sera révélé par qui sait en percevoir l’existence, accompagner son avènement et le laisser se manifester naturellement. Oui, la statue est déjà là, dans le bloc de pierre. L’artiste la voit ; ce n’est pas sa main qui fait de lui un artiste, c’est son regard. La conscience active de l’unité de tout ce qui est vivant, et la capacité de se fondre dans cette unité, fait du taoïste un sage, comme l’était Tchouang tseu.
*Tchouang Tseu s’écrit également en chinois : « Zhuang Zhou » ou encore « zuangzi »
J’aimerais vous emmener, un moment, faire une ballade dans ces montagnes sacrées de la Chine, comme dans les peintures… là où la lumière joue dans les écharpes de brume, entre les arbres centenaires. Peut-être y croiserions-nous un vieux sage qui nous dirait de belles paroles incompréhensibles. Peut-être y rencontrerions-nous Tchouang tseu, grand philosophe de l’antiquité chinoise ? Que nous apporterait-il ? Peut-être essentiellement une attitude face à la vie, une manière d’être connecté au monde et à la nature. Il nous montre combien et comment nous sommes tous reliés ensemble, entraînés dans le même mouvement : la vie. Il nous invite à participer à l’harmonie de l’univers en nous mettant nous-mêmes en harmonie. Contrairement à Confucius, plus « social », Tchouang tseu nous pousse à nous occuper de nous, de notre développement personnel, avant de nous intéresser à autre chose. « Ceux qui cultivent le Dao ne cultivent pas le devoir et la justice sociale, mais développent d’abord leurs qualités propres. Car celui qui voit les autres sans se voir lui-même, celui qui entend les autres sans s’entendre lui-même, perd la clarté de sa vision et devient quelqu’un d’autre que lui-même ». L’éveil de la conscience de l’unité, sentir que nous faisons partie d’un tout, nous donnent une confiance qui nous permet de lâcher prise ; une confiance qui nous laisse obéir à la volonté des circonstances au lieu de rentrer dans un rapport de force à coup de « ma volonté est mon destin ! » et lutter héroïquement. Le sage taoïste nous propose d’agir en nous laissant porter par les évènements, en nous appuyant sur ce qui est porteur dans la situation. Chasseur de tendance avant l’heure, il aurait certes coulé de beaux jours au service marketing de L’Oréal, Dior, Chanel… Il attire notre attention sur la nécessité d’écouter ce qui se passe pour arriver à percevoir et sentir l’inclination inscrite dans la configuration d’un évènement, car c’est dans cette « conformation » particulière que se trouve le potentiel dynamique de la situation. Accordé au rythme de ce qui advient, et s’appuyant sur la propension, nous allons pouvoir lâcher prise et agir en parfaite intelligence de situation. « Il est dans la nature des bûches et des pierres de rester immobiles sur un sol plan, et d’être en mouvement sur un sol en pente ». C’est dans la nature de l’eau de couler vers le bas, et c’est en se contentant de suivre la pente qui s’offre à elle qu’elle nous enseigne le non-agir. C’est ainsi qu’elle est efficace et courageuse. Sentir « fonctionner » la vie, les évènements et s’y inscrire le plus simplement possible, sans forcer, avec cette sensation de liberté que procure le contact intime avec la nature, est une joie qui doit être tout à fait semblable à ce qu’éprouve la goutte d’eau au moment où elle réintègre l’océan.
Atteindre notre vérité

J’aimerais partager avec vous ce que je crois avoir saisi du témoignage intemporel et universel de Tchouang tseu, témoigner à mon tour de ce qu’il m’apporte, ici et maintenant, à une distance de plus de 2300 ans ; montrer comment chacun d’entre nous peut, à partir de son expérience personnelle, rencontrer Tchouang tseu dans son expérience propre. Ce rapport hors du temps est possible, car « le Tchouang tseu » n’est pas un livre de mots : c’est un livre qui décrit l’expérience vécue du sage. Ce que nous apporte aujourd’hui Tchouang tseu est clair et vient à l’esprit spontanément. Il nous montre comment dissoudre, puis recomposer et redéfinir en permanence notre rapport au réel, à nous-mêmes, aux autres et au monde. Il nous indique comment éprouver ce lien magique que nous tissons avec la vie, avec la nature, avec l’univers tout entier. La conscience aigüe de ce lien passe par une meilleure connaissance de soi. Nous avons, nous dit-il, à mieux connaître notre propre « fonctionnement » et aussi à découvrir, par l’observation, la méditation et la pratique du vide, « le fonctionnement des choses » : comment fonctionne le monde, quelle est la nature de cette harmonie universelle dans laquelle nous baignons. Nous allons rencontrer une réalité que nous ne connaissons pas et que nous ne pouvons pas décrire avec le langage. Nous sommes pareils à cette « grenouille qui, au fond de son puits, est bien incapable de s’imaginer ce que peut être l’océan ». Tchouang tseu nous propose d’expérimenter d’autres manières d’agir, d’apprendre. Il nous propose de changer de « régime », de nous connecter à « l’ordre du Ciel » plutôt qu’à celui de « l’humain ». Il conseille : « Veille à ce que l’humain ne détruise pas le céleste en toi, veille à ce que l’intentionnel (Kou) ne détruise pas le nécessaire (Ming) ». Il nous dit comment nous placer en ce lieu où l’action est sur le point de se manifester, là où règne encore chaos et confusion, de façon à « suivre » la naissance de l’évènement et laisser l’acte nécessaire jaillir spontanément. Tout est dit. Il nous invite enfin, au-delà de tout cela, à atteindre notre vérité en révélant et en mettant en oeuvre, à l’image de la statue cachée dans la pierre, toutes nos virtualités, potentialités, talents et qualités enfouis au cœur de l’être. Pourquoi ? Pour participer pleinement à la vie et, disons le tout net, pour être heureux.
Il était une fois… un provocateur

Le Lao tseu (tseu ajouté au nom signifie « sage »), le Tchouang tseu, et le Lie tseu, représentent à la fin de la période dite des Royaumes combattants (Ve-IIIe s. av. J.-C.), l’école du Dao. C’est une époque d’effervescence politique et intellectuelle qui fait penser à la Grèce classique. Ceux qui devaient devenir les « taoïstes » s’opposaient avec virulence aux « lettrés » confucéens, plus « politiques » et moralisateurs. Maître Tchouang, prénom Tchéou, a vécu entre 350 et 275 avant J.-C. environ. C’était un homme marié, père de famille, pauvre qui avait, et cela caractérise déjà le personnage, refusé un poste de ministre. Philosophe original, à l’esprit frondeur, il maniait habilement la provocation, associée à l’humour et à l’ironie. Porteur de messages libertaires, pendant que philosophes confucéens et autres légalistes tentaient de convaincre les pouvoirs en place de l’efficacité de leurs doctrines, il prônait, lui, un retrait et un retour à soi. Il invitait ses contemporains à faire un retour à l’Un absolu, à se conformer à la spontanéité naturelle du Dao (la Voie, la Matrice Universelle). Il s’attachait à abattre les certitudes et les distinctions entre les choses pour mettre en avant la relativité de tout ce qui existe et l’unité du vivant. Il nous reste à retrouver cette conscience de l’unité et à réintégrer la Matrice : faire Un avec le Dao. Pratiques chamaniques fondées sur des croyances magico-religieuses, méditations et pratiques du vide, techniques psychophysiques, récits, anecdotes, fables, dialogues entre personnages semi-historiques… son enseignement est étrange, « décalé » dirait-on aujourd’hui. « Une fois moi, Tchouang tseu, je rêvais que j’étais un papillon voletant de-ci, de-là, butinant, satisfait de mon sort et ignorant mon état humain. Brusquement, je m’éveillais et me retrouvait surpris d’être moi-même. A présent je ne sais plus si je fus un homme rêvant d’être un papillon ou si je suis un papillon rêvant d’être un homme. » Après nous avoir déstabilisé, il nous implique, nous demande de combler les vides du raisonnement, d’être intuitifs et de deviner ce qui n’est pas énoncé, le tout en ayant recours à notre propre expérience. Le Tchouang tseu est un livre qui comporte trente-trois sections. La première section, « Libres Errances », s’ouvre par un hymne à la liberté du Taoïste qui parcourt, joyeux, l’univers : il n’agit « qu’en ne faisant rien » et « embrasse les dix mille êtres en un tout unique ». Dans la deuxième section, « Discussion sur la neutralisation des êtres », les contraires se neutralisent et se fondent dans le Dao ; le tiers n’est pas exclu : le vrai et le faux, le oui et le non, la vie et la mort, tout cela se vaut. Relevons que les moines bouddhistes ont, dès le IVème siècle, commenté le Tchouang tseu à la lumière de la théorie du vide (Sunyata) de la doctrine indienne qui portait déjà en elle une dialectique des contraires (comme celle du Yin et du Yang). L’osmose qui s’est créée au fil des siècles entre les deux philosophies, bouddhiste et taoïste, a permis l’avènement de l’école Chan, c’est-à-dire le zen.
L’union des contraires

Héraclite affirme qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Identité des différents et différence des identiques, voilà le contenu constant de cette pensée pour qui les contraires, d’une certaine façon, ne font qu’un. Pour le philosophe allemand Hegel, l’identité est un rapport qui s’établit entre une chose et elle-même, ou entre une chose et une autre. Il n’y a identité que parce qu’il y a différence. Hegel rajoute à Héraclite un automouvement spontané du concept : dans le concept même d’identité est en germe la différence. Pour Tchouang tseu, il s’agit de remonter le cours des alternances du Yin et du Yang et d’obtenir en soi leur union : « Là est la beauté, la joie suprême ». Ce retour à l’état complet, cette union des contraires dans l’Un, le Dao, se réalise par l’extase, par une immersion dans « le Vide », le Wuwei, l’unité originelle. Tchouang tseu raconte comment Confucius, étant allé rendre visite au Vieux Maître, le trouva assis immobile et ravi en extase. Quand il fut revenu à lui, il dit : « Je m’ébattais dans l’origine des choses. ». En d’autres temps, le philosophe Engels montre comment la « transformation » est l’idée fondamentale de sa Dialectique de la nature : les diverses formes d’énergie se convertissent les unes dans les autres, la matière est indissoluble du mouvement, car le mouvement est une forme d’existence de la matière. (Correspondance avec Marx -1873). La théorie du Bootstrap par laquelle « l’univers est un tissu dynamique d’évènements interdépendants » (Fritjof Capra) complète magnifiquement la vision de Tchouang tseu. Transcendant l’espace et le temps, tous ces penseurs parlent d’une seule voie : le Dao. L’aspect primordial du Dao est « le vide » (Wu) en opposition à la matière sensible de « ce qui est » (You). Il s’agit d’un vide rempli de potentialités et d’efficacité. On le compare au creux du moyeu de la roue : « C’est là où il n’y a rien que réside l’efficacité d’une roue ou d’un vase ». Le Dao est une matrice « pleine de toutes les potentialités ». Celui qui entre dans le Dao a accès à une source inépuisable de force vitale et son action est parfaitement spontanée. « Dans le vide qui règne entre ciel et terre, le souffle harmonieux circule librement et les dix mille êtres naissent d’eux-mêmes ».
Techniques et méthodes taoïstes

Pour les taoïstes, avant de se manifester dans le monde (macrocosme), il est important de mettre en ordre tout ce qui se passe à l’intérieur du corps (microcosme). Pour accomplir cette mise en ordre, ils utilisent différentes pratiques : respiratoires (circulation des souffles : « ils aspirent le vent »), diététiques (« ils boivent la rosée »), sexuelles aussi (« garder intacte son essence spermatique », « mélanger les essences masculines et féminines »). Ces bonnes pratiques conduisaient à l’immortalité. D’une matière plus directe et immédiate, les taoïstes cherchent à faire corps avec l’univers du vivant. A partir de ce principe élémentaire, il est aisé de comprendre l’intérêt que nous pouvons avoir à manger sainement, c’est-à-dire manger du vivant (des produits fraîchement cueillis, gorgés de soleil, plutôt que du « cadavre », de la nourriture morte depuis longtemps), respirer du vivant, de l’air pur et vivifiant plutôt que chargé de déchets de combustion…). Nous retrouvons là la logique de l’octuple sentier du Bouddha dans lequel il convient d’avoir un mode de vie correct, une vue juste, une parole juste, une action juste… bien dormir, bien se nourrir, avoir une activité saine… tout est nourriture, aussi est-il important d’être attentif à la qualité de nos sources de vie. Lorsque nous dormons, lorsque nous nous nourrissons, lorsque nous faisons du sport, nous recevons, utilisons et produisons de l’énergie vitale. La nature de notre activité, la manière et la conscience avec lesquelles nous la développons qualifient cette énergie. Les sages taoïstes allaient un peu plus loin. Ils s’attachaient à respirer en conscience pour se relier à la nature, réguler les souffles, dissoudre les stagnations du Tchi, développer le feu interne, ouvrir le circuit céleste… bref l’énergie a besoin d’être nourrie comme une dynamo se nourrit de mouvement, un moulin se nourrit de vent… Il y a des degrés aussi bien dans la conscience que nous pouvons avoir de nos interactions avec le tissu du vivant que dans les actions que nous mettons en œuvre pour nous maintenir dans le courant de la vie : soit pour obtenir une meilleure qualité du contact et vivre plus intensément, soit, plus simplement, pour ne pas être « éjecté du système », c’est-à-dire mourir. « Quand le monde est en désordre on se fait tolérer, quand le monde est en ordre on y participe pleinement » (Livre des Poèmes).
Dans le silence et l’immobilité

Tchouang-tseu nous offre la possibilité de « laisser agir le corps » ; un corps conçu comme « l’ensemble des facultés, des ressources et des forces, connues et inconnues, que nous avons à notre disposition ou qui nous déterminent ». En effectuant l’unité de l’esprit et du corps, en portant les gestes à leur plus grande justesse, en laissant l’accord se répandre, on accède à une sorte d’art de vivre, une manière d’être au monde profondément stable et sereine. Cependant cette ouverture à la vie est à gérer. Lorsque nos sens s’ouvrent nous sommes soumis à un déferlement d’impressions, de sensations… Il convient alors de laisser faire et attendre. C’est dans cette attente, dans l’immobilité et le silence, que se produit l’unification progressive de ces sensations multiformes. Grâce à l’ouverture totale que procure l’état de « vide »,nous sommes devenus plus à même d’être. On entend souvent : « Il faut être avant de faire ». Mais que convient-il de faire pour être ? « Etre assis dans l’oubli » est une attitude, une manière d’être. Dans ses Leçons sur Tchouang tseu, François Billeter nous aide à comprendre cet état : « C’est le régime supérieur où l’homme sera à même d’agir de façon juste et nécessaire parce qu’il épousera les métamorphoses de la réalité. Cette pratique de l’immobilité, cette présence à soi du corps propre, nous renvoie à notre propre expérience, aux moments où nous faisons le vide. « Faire le vide » permet un rassemblement de nos forces et conduit à laisser se créer l’action nécessaire et adaptée naturellement à la situation. L’incapacité de faire le vide produit la répétition, la rigidité et, dans les cas extrêmes, la folie. ».
Souvenons-nous que « s’asseoir et oublier » est le lointain prélude à certains aspects mystiques du bouddhisme Chan (Zen). Le silence et l’immobilité sont une nourriture dont nous avons besoin de façon vitale. Les mystiques et religions de tous les temps ont intégrés cette pratique. Le philosophe André Comte-Sponville précise : « On se tait aussi, dans les monastères, pour écouter Dieu. Et comme il ne dit rien, ce silence n’en finit pas : Dieu nous écoute l’écouter, et cela fait un grand silence, en effet. C’est cela qui est le vrai de la religion. »
Créer du lien

Eprouver l’énergie, et laisser le corps, l’esprit et le geste circuler dans la Matrice énergétique, permet de faire vibrer notre conscience en osmose avec tout ce qui est vivant, en toute simplicité. Je suis en accord avec les rythmes de la nature, « je coupe du bois, je puise de l’eau ». Boulanger, secrétaire, architecte, comptable… nous sommes dans la même conscience. Cette conscience est celle du lien, ce cordon ombilical invisible, qui nous relie à notre mère nature, à un amour filial cosmique dont notre mère est, à la fois, l’image du symbole d’un « devoir cosmique » et le rappel perpétuel d’un état d’être. La mère taoïste nous donne, à travers son amour, la clé de la vie, elle nous montre l’union des contraires : elle nous invite au lien (avec elle et avec l’univers) et nous encourage à être libre (par la soumission à l’ordre divin diraient les musulmans, dans la lumière de dieu diraient les chrétiens, dans le non-agir et le lâcher prise nous proposent les taoïstes…). A travers son amour, notre mère nous rappelle et nous propose avec insistance, constamment, la nécessité et la richesse de ce lien universel avec la vie. Car c’est unis vers celle qui nous porte que nous trouvons la voie d’une union plus large, avec soi-même bien sûr, avec les autres, les arbres, les montagnes… Cette conscience, ce contact direct, nous permet aussi d’éprouver la continuité du « système », du monde. Le monde n’a pas de « trous », il n’y a pas de « no man’s land », nous ne sommes pas seuls, séparés, isolés et, en cela, nous n’avons pas le choix car nous sommes ici dans le domaine de la nécessité dictée par le caractère de tout ce qui est vivant. Autrement dit, plus on est « relié », plus on est vivant.
Cette conscience de l’être, entraîné dans un mouvement naturel qu’on appelle la vie, éveille une autre conscience : celle de la responsabilité. Oui, je me laisse porter par le courant de la vie et c’est une bonne manière de participer pleinement aux évènements. Plus vivant, plus motivé par la vie et son mouvement, je suis plus impliqué, plus participant et je me sens sous influence et en influence sur les circonstances. Plus nous sommes vivants, plus nous sommes connectés à une source d’énergie inépuisable, plus nous avons de pouvoir et de force pour participer, certes, mais aussi orienter, modifier, transformer le monde. Notre mission devient alors, dans le respect du Dao, de participer à préserver la vie et à maintenir ce qui est authentique en elle. Bien sûr, « les hommes de bonne volonté » n’ont pas attendu Tchouang tseu pour s’impliquer dans la vie, la société, la relation, dans le bon sens. Il est simplement bon de souligner la particularité de cet « enseignement » qui nous invite, au-delà du temps, de la culture et de la forme d’expression, à mettre en oeuvre au quotidien une philosophie fondée sur un contact direct et immédiat avec le monde. Vous trouvez l’idée intéressante ? Alors allez-y : de temps en temps, arrêtez de vous agiter et plongez vous dans cette expérience fondamentale.
Relevons au passage une chose essentielle, un obstacle qui tient ensemble le problème et la solution, les « J’aimerais bien, mais j’y arrive pas », comme les « C’est bien beau l’universel, mais je dis quoi à mon garagiste ? », etc. Cet obstacle de taille, c’est moi … je veux dire c’est vous : … enfin c’est nous, c’est l’égo ! Notre but est d’atteindre, comme le souligne Marc de Smedt, « une spontanéité et une ouverture de conscience fondée non plus sur l’égo du quotidien social, mais sur le soi capable de se fondre dans un sentiment plus vaste ».
Tout le monde a et a eu accès à cet état de conscience intuitive, totale, globale, se sentant « relié à quelque chose qui le dépasse, à quelque chose de mystérieux : la vie. La vraie ! La vie qui est sous la vie. Etre est le prélude du faire. Etre éveillé n’est pas une illusion mystique, c’est une expérience concrète, vécue, utile, qui conduit à une compréhension active des évènements et à un engagement plus fort dans un acte essentiel : vivre.
Jean-Marc Ortéga
Jean-Marc Ortéga est écrivain et psychothérapeute. Il enseigne le Mouvement Spontané au sein de l’École Troisième Souffle.
Bibliographie
Tchouang Tseu : « Oeuvre complète » Liou Kia-hway.Editions Gallimard – UNESCO
Tchouang Tseu : « Les tablettes intérieures Jean-François Rollin.Librairie Séguier – Michel Chandeigne.
Les maîtres du Tao : Lao-Tseu, Lie Tseu, Tchouang Tseu Henry Normand. Editions du Félin
Leçons sur Tchouang-Tseu Jean-François Billeter Editions Alia
Tao et Psychanalyse Henri Borel Editions Trédaniel
Le Monde du Tao Chang Chung-Yuan Editions Stock
Fusion des cinq éléments Mantak Chia Editions Trédaniel
La Philosophie du tao Jean-Campbell Cooper Editions Dangles
Taoïsme, l’esprit du Tao Jean Grenier Editions Flammarion,
Taoïsme René Guenon Editions Gallimard
Sufism and Taoism Toshihiko Izutsu University of California press
Hygiene taoïsten John Lagerwey,Publications de l’Ecole française d’Extrême-Orient
Le Tao Marie-Thérèse Lambert Editions Seghers
Taoïsme Le Traite VII du « Houai nan tseu » : les esprits légers et subtils animateurs de l’essence Publié par l’Association française pour le développement culturel et scientifique en Asie
Taoïsme – Vitalité – Médecine chinoise Christine Mollier Collège de France : Mémoires de l’Institut des hautes études chinoises
Histoire du taoïsme : des origines au XIVe siècle Isabelle Robinet Editions du Cerf
Traité de l’efficacité François Jullien Editions Grasset
Le Corps taoïste : corps physique, corps social Kristofer Marinus Schipper Editions Fayard
Tchouang tseu – Aphorisme Marc de Smedt Editions Albin Michel
Taoïsme – La Dame du bord de l’eau Brigitte Berthier Société d’ethnologie
Immortelles de la Chine ancienne : taoïsme et alchimie féminine Catherine Despeux Editions Pardes
