Un noir… lumineux
« Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » comme disait la chanson. Oh que non ! Mais il ne s’agit pas d’espoir. Faites un plongeon dans ce livre, dans cet essai d’Alain Badiou, et vous retrouverez les traces de ce noir dans votre pensée, dans vos croyances et dans vos expériences. En tout cas c’est sur ce chemin que je me suis laissé inspirer à la lecture de ce livre. Musique, politique, sexualité, métaphysique : le noir n’aura jamais été aussi lumineux. Mais… Quel livre ! quelle écriture où chaque mot et expression sont ciselés ! quel raisonnement solide ! c’est magistral !
Alain Badiou raconte et analyse le noir réfléchi dans sa vie : du noir chez les militaires et les guerriers (souvenez-vous du sens du drapeau noir), au noir de la peur, de l’angoisse. N’oublions pas le noir de l’encre sur les pages blanches de nos écritures, le noir de certains oiseaux (corbeau…) et enfin le noir secret de la sexualité, de ces frissons exaltés à la vue devinée du triangle noir, ouverture au continent noir du plaisir féminin. C’est sans fin et tellement, tellement lumineux et fécond dans la compréhension et dans l’intégration du noir.
Le noir dans la vie
Qui n’a pas fait l’expérience effrayante d’avancer à tâtons dans la nuit noire ? Cette terreur primitive, Alain Badiou la traverse en inventant, avec ses camarades, le jeu de minuit sonnant ». La découverte furtive du continent noir dans les magazines interdits, la beauté de l’encre sur le papier, mais aussi les mystères du cosmos et la douleur du deuil : le philosophe nous promène dans son théâtre intime au gré de ses souvenirs.
La Dialectique du noir
Que d’équivoques dialectiques ! Est-ce que le noir est une couleur ? les scientifiques l’affirment : Non. Il ne figure pas dans l’analyse spectrale de la lumière. Notre arc en ciel ne comporte pas de noir ! Mais… l’absence est-elle une négation ?
Du coup nous avons à gérer : le blanc, l’ultra-violet et l’infrarouge. Chacune de ces couleurs a un rôle majeur à jouer !
Le noir est la négation passive, il est le pur manque des couleurs.
Le blanc est le tout : la réunion de toutes les couleurs.
Mais, relevons leur essentielle complicité que nous relevons partout à commencer par les photos en noir et blanc et à ne pas rater l’austère fonction symbolique de leur association partout de ce qui compose la multiple saveur de l’univers visible.
Parlons du rouge, de sa position dans l’arc en ciel, de la pourpre des cardinaux, aristocratiques supérieurs hiérarchiques auprès du Pape et maitrisant les prêtres vêtus de noir. Le rouge, sang rouge de la vie.
Et à présent, évoquons le violet, à l’autre bout du spectre avec l’Ultra-violet. L’évêque s’habille en violet.
La vie se joue entre alliances expressives : le rouge et le noir de Stendhal, le « noir désir du noir » avec Bertrand Cantat. Tout est dit dans les chansons de ce groupe de rock. Mais quoi qu’il en soit laissons-nous porter par l’humour noir qui nous sauve parfois de la noirceur de certaines situations. Noire égalité devant le deuil et la mort.
Alain Badiou
Philosophe, romancier, dramaturge français d’inspiration marxiste maoïste, professeur émérite à l’École Normale Supérieure. Il n’eut de cesse de s’exprimer et de poser des actes comme des exercice de vigilance, de garantie, pour mettre à l’épreuve son ontologie mathématique. C’est sans aucun doute un des philosophes français les plus connus et étudiés à l’étranger. Sa vie et son œuvre ne furent jamais un « long fleuve tranquille » Il s’est toujours affirmé avec intelligence, engagement et souvent humour et provocation.
Un clin d’œil à Pierre Soulages…eh oui !
Allez ! parlons de « l’outre-noir du peintre Soulages. Il ne pouvait en être autrement. Lui qui au cours de sa vie créative n’a cessé de se consacrer à l’exploration des ressources picturales du noir. La parfaite imperfection révélée par la peinture de Soulages est que son essence achevée est l’inachèvement. Oui. L’injonction du noir est « vous qui me voyez, sans rien voir, continuez ! »
LE NOIR. Éclats d’une non-couleur – Alain Badiou -17,90€ – www.autrement.com
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